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lundi 9 juillet 2012

Nouvelle vague : Entre classiques incontournables et oublis regrettables

Avec la fin imminente du festival, revenons quelques instants sur une des thématiques majeures de cette rétrospective consacrée à Hong Kong et son cinéma.

La programmation de Paris Cinéma 2012 proposait rien de moins que 13 films appartenant au mouvement dit "de la nouvelle vague" qui redynamisa l'industrie cinématographique Hong Kongaise de 1978 à 1984. Parmi ceux-ci, seuls 2 d’entre eux, L'Enfer des Armes et The Sword, avaient eu les honneurs d'une sortie en France. Cela faisait donc 11 films inédits dans l'hexagone et pas des moindres puisque on en dénombrait 6 (The Secret, The Spooky Bunch, Man on the Brink, Nomad, Ah Ying et Homecoming) appartenant à l'excellente liste des 100 meilleurs films de Hong Kong compilée par la Hong Kong Film Archive * !


Dans les 6, Homecoming était sans nul doute le plus attendu car quasi invisible en dehors de la Hong Kong Film Archive **. La réputation de ce film de Yim Ho n'était pas usurpée : Aussi émouvant que subtile, c'est sans conteste le long métrage en provenance de l'ancienne colonie Britannique qui illustre le mieux les difficiles relations qu'entretenaient (et entretiennent encore aujourd'hui) le port parfumé avec la Chine continentale.
Extrêmement rare également était The System de Peter Yung. Ce polar noir est dans la continuation directe du Jumping Ash de Leong Po Chih et Josephine Siao, le film précurseur de la nouvelle vague, et a toute l’âpreté et l'intensité auxquels les autres films policiers du mouvement nous ont habitué.



Moins rare mais néanmoins fondamental était aussi la vision du Man on the Brink de Alex Cheung. Premier film à traiter de manière pleinement satisfaisante le concept du policier undercover à Hong Kong, c'est un petit bijou dans lequel Cheung fait preuve d'une impressionnante maîtrise formelle et n'hésite pas à explorer les aspects les plus sombres de la psychologie humaine. Un chef d’œuvre ? Assurément ! Et peut-être même le tout meilleur film de la nouvelle vague !
L'autre gros morceau pour les amateurs de polars/films de gangsters était le The Club de Kirk Wong. L'occasion d'apprécier un Michael Chan dans toute sa splendeur tatouée et de se laisser porter par l'ambiance décadente et violente qui règne tout au long du film. La vision de ce précurseur des thématiques chères à John Woo était d'autant plus impérative que le festival en proposait une version composite plus longue, certaines séquences s'étant vu réinsérées ou allongées à partir de bouts de VHS et de Laserdiscs.    



C'était l’œuvre de Ann Hui qui se taillait la part du lion et on n'avait pas de raison de s'en plaindre ! La réalisatrice fut à la pointe de la nouvelle vague et resta fidèle à son style tout au long de sa carrière comme l'atteste son récent, et excellent, A Simple Life.
4 de ses travaux à la télévision étaient présentés, 2 tirés de la série Below the Lion Rock, un de Social Worker et le dernier de ICAC. Déjà, la réalisatrice y dévoilait son intérêt pour les drames humains, les personnes en marges et les difficultés interculturelles.
Ses films furent donc le prolongement logique de cette démarche commencée sur le petit écran. The Secret est l'adaptation libre d'un fait divers qui n'aurait pas démérité dans une série TV de la période. Mais elle le complexifie en conférant une atmosphère quasi fantastique à l’œuvre et en adoptant une narration ambitieuse, faite de flash backs impromptus. Le résultat n'est pas encore pleinement maîtrisé mais foncièrement passionnant. 
Comme un pied de nez à ses spectateurs, elle décida de sauter le pas et de faire une œuvre ouvertement fantastique le film suivant, s'écartant pour le coup de ses racines télévisuelles. The Spooky Bunch, filmé à Cheng Chau, est un film étrange, un peu bancal, mais également plein de qualité : Les scènes d'opéra sont magiques, Joséphine Siao magistrale et le mélange horreur/comédie ne manque pas de vitalité.
Avec Story of Woo Viet, la réalisatrice revint à la source de son inspiration. Le long métrage s'inscrit dans la continuité de Boy From Vietnam, un des segments de Below the Lion Rock. Assurément le plus maîtrisé des trois films ici discutés et servi par un joli casting principal, ce deuxième épisode de ce que l'on appelle parfois la trilogie Vietnamienne d'Ann Hui *** est une première réussite majeure au sein d'une filmographie qui en compte plus d'une !




Le travail d'Allen Fong était également à l'honneur. Une présence qui faisait plaisir tant le cinéma de ce chouchou de la critique Hong Kongaise est peu connu dans notre pays. Et pourtant, il a tout pour séduire le public cinéphile Français : Passionnés et engagés, ses travaux sont toujours empreint d'un réalisme social rare dans l'industrie cinématographique locale. Une approche apparente dés son passage à la télévision. Ses épisodes de la série Below the Lion Rock traitaient des strates les plus pauvres, les plus défavorisées, de la société Hong Kongaise. C'est également le cas de Father and Son et Ah Ying, les deux films liés au mouvement de son auteur, sur lesquels Fong greffaient en plus de larges morceaux (auto)biographiques et exprimait son profond amour pour le cinéma. 



Particulièrement mis en valeur par le festival, le cas de Patrick Tam est ressortit plus mitigé des différentes séances. Que ce soit à travers ses séries TV ou ses deux films inédits, on a pu mieux réaliser le poids des références qui plombe son œuvre (Godard). Il est tel qu'il empêche toute implication émotionnelle sur une bonne partie de ses premiers travaux (Seven Women ou Love Massacre). Ce n'est que sur Nomad qu'il atteignit enfin à une certaine maturité, en parvenant à retranscrire l'énergie de la jeunesse de l'époque sans que son talent formel ne prenne le dessus sur les personnages et leurs émotions... Cela jusqu'à une conclusion qu'on préférera poliment oublier. Une évolution qui trouvera son aboutissement artistique quelques années plus tard avec Final Victory.  


S'il faut louer le festival pour avoir proposé de telles raretés, on ne peut s’empêcher d'avoir un petit regret que la programmation n'ait pas été encore plus loin. Car avec quelques films de plus, c'est la nouvelle vague Hong Kongaise dans sa quasi intégralité qui aurait pu être proposé aux spectateurs parisiens ! De par sa nature non organisée, il est certes difficile de déterminer quels films sont à même de s'y rattacher et lesquels ne sont que de simples copies opportunistes des standards soudainement imposés par Ann Hui et les autres. Toutefois, une poignée d'entre-eux fait à peu près l'unanimité et mérite d'être vus. Il s'agit de :

- The Extras de Yim Ho, une comédie que ses auteurs s'accordent à considérer comme ratée mais quasi invisible depuis sa sortie en salle.
The Happenings toujours de Yim Ho, film sur la jeunesse de l'époque et préfigurant celui de Tsui Hark.
- House of the Lute de Lau Hsing Hon, techniquement le premier film de la nouvelle vague et l'unique long métrage à avoir choisi le genre du drame érotique.
- Cops and Robbers de Alex Cheung, un polar sur la dualité flic/gangster
- The Imp de Dennis Yu, un film fantastique jouant des clichés du genre.
- Coolie Killer de Terry Tong, un polar noir préfigurant The Killer.
- Health Warning de Kirk Wong, une étrange tentative de mélanger science-fiction et films de kung-fu traditionnels.
- Home at Hong Kong de Ging Hoi Lam, un drame subtile sur les interrogations identitaires des Hong Kongais.

Ce sera peut être, on l'espère, pour une prochaine édition !

* http://www.lcsd.gov.hk/ce/CulturalService/filmprog/promo/2011ms100/100_Must_See_Booklet.pdf (liste qui a manifestement servie de base à la programmation)

** Une VHS du film aurait, parait-il, été trouvable à la cinémathèque de Bruxelles !

*** Le troisième épisode étant Boat People.

1 commentaire:

  1. Lisez-le moi celui-là ! Faut encore qu'il trouve à en redire sur la prog' ! Non mais franchement. Où va-t-on ?! Je déconne. ^^

    Plus sérieusement, tu fais bien de citer ces quelques titres qui auraient mérité de figurer dans cet évènement.

    Sans ça, papier plaisant qui jette une réflexion bien venue comme un préambule au bilan, à l'heure où les lumières qui commencent à s'éteindre ne sont pas de celles qui annoncent la projection d'un autre film mais bel et bien de la fin d'un fest' qui aura tant enthousiasmé.

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